Voici les dix commandements de la lutte anti-peurs que nous allons maintenant détailler : 

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1)     Désobéissez à vos peurs

 

2)     Informez-vous vraiment sur ce qui vous fait peur

 

3)     N’ayez plus peur de la peur

 

4)     Modifiez votre vision du monde

 

5)     Confrontez-vous selon les règles

 

6)     Respectez-vous et faites respecter vos peurs par les autres

 

7)     Réfléchissez à votre peur, son histoire et sa fonction

 

8)     Prenez soin de vous

 

9)     Apprenez à vous relaxer et à méditer

 

10)    Maintenez vos efforts sur la durée

 

  

1) Désobéissez à vos peurs

 

Imaginez qu’un jour, quelqu’un s’installe chez vous sans que vous l’ayez invité. Il s’incruste, prend ses habitudes. Se sert dans votre frigo, dort dans votre salon, vous accompagne partout. Et commence à vous donner des ordres : « Gratte-moi le dos, apporte-moi le petit-déjeuner au lit, cire mes chaussures, laisse-moi ta chambre et vas dormir au salon… » Si vous lui obéissez, quelle raison aurait cette personne de partir de chez vous ? Aucune : plus vous vous soumettrez, plus l’hôte indésirable prendra ses aises chez vous, et n’aura aucune tendance à quitter votre domicile.

Eh bien, c’est exactement ce qui se passe avec votre phobie : si vous lui obéissez à chaque fois qu’elle vous dit « ne fais pas cela », « baisse les yeux », « fais un détour », « prends la fuite », « ne sors pas sans te faire accompagner », alors elle n’a aucune raison de diminuer, encore moins de disparaître.

Je propose souvent à mes patients cette métaphore de « l’invité indésirable » pour les pousser à réfléchir au rapport de trop grande tolérance, de trop grande soumission, qu’ils entretiennent avec leur peur excessive, parfois sans s’en rendre clairement compte. Il faut considérer la phobie comme un hôte indésirable, dont on va tout faire pour qu’il n’ait pas envie de prolonger son séjour. Il faut rendre la vie impossible à la phobie ; car sinon, c’est la phobie qui rendra votre vie impossible.

Mais attention, la lutte contre une phobie n’est pas une bataille, c’est une guerre d’usure. Il ne suffit pas de remporter un combat, et de mettre ponctuellement l’adversaire en fuite : il faut peu à peu remporter toutes les batailles, jusqu’à son recul complet et durable. Repoussez l’adversaire là où il doit être : derrière les frontières de la peur normale. Et maintenez la capacité de le faire reculer chaque fois qu’il pourra lui venir à l’esprit de vous porter une nouvelle attaque (ce que l’on nomme le retour de la peur). Je suis désolé d’importer ce langage guerrier dans la psychologie, mais cela correspond à la réalité. Ne pactisez plus : bagarrez-vous ! Acceptez de ce fait que votre vie soit moins tranquille pendant quelque temps : de toute façon, la vie avec la phobie, ce n’est pas la vie dont vous rêviez, n’est-ce pas ? Aucune guerre n’est agréable, mais certaines sont nécessaires : cette guerre de libération l’est.

 

  

2) Informez-vous vraiment sur ce qui vous fait peur

 

Une de mes patientes claustrophobes avait la conviction qu’elle pouvait mourir étouffée en quelques minutes dans un ascenseur bloqué, ou en avalant une pilule de médicament de travers. Une autre qui souffrait d’une phobie du sang, des piqûres et des injections, me racontait ainsi ses peurs : « Quand on va me piquer, je ne vais plus pouvoir me contrôler, je bougerai et l’aiguille se cassera dans mon bras », « Un bout de l’aiguille va remonter jusqu’à mon cerveau et provoquer un accident vasculaire cérébral », « L’aiguille va traverser mon bras », « On va me prendre beaucoup de sang pour les examens, et je vais avoir un malaise ».

On retrouve de telles croyances dans la plupart des phobies. Elles paraissent évidemment absurdes et excessives aux yeux des personnes non phobiques. Le psychothérapeute américain Albert Ellis définissait d’ailleurs les troubles phobiques comme des « comportements stupides mis en œuvre par des personnes intelligentes »

Beaucoup de personnes souffrant d’attaques de panique pensent qu’elles peuvent réellement devenir folles lors d’une crise d’angoisse, alors que les psychiatres savent que la « folie » n’a rien à voir avec la spirale de l’angoisse.

 

 

Phobie d’impulsion

Peut-on perdre le contrôle de soi et faire du mal à quelqu’un, en le frappant ou en l’insultant ?

Seulement sous l’effet de la colère, et cela n’a rien à voir avec la phobie.

Claustrophobie

Lorsqu’un ascenseur (ou une rame de métro) se bloque, y a t-il un moment où l’on va manquer d’air ?

Non, l’air circule bien dans les rames et les tunnels. Ce n’est pas un air de première qualité, mais il est largement suffisant pour que vous puissiez y passer des heures sans danger, quoique sans confort. Mais il ne faut pas confondre inconfort et danger.

Phobie de l’eau

Peut-on couler et se noyer si on s’affole ?

Un adulte normalement constitué a toujours des réflexes de survie qui lui permettent de surnager le temps que les secours arrivent.

Trouble panique (phobie du malaise et de la perte de contrôle de soi)

Peut-on devenir fou lors d’une crise d’angoisse ?

Non, on a cette impression, mais aucun cas de ce type n’a jamais été signalé dans l’histoire de la psychiatrie.

Phobie des orages

La foudre peut-elle frapper quelqu’un à l’intérieur d’une maison ?

Non, elle ne peut vous frapper qu’à l’extérieur, si vous êtes debout en plein champ, ou sous un arbre. Elle peut frapper aussi – très rarement - vos appareils ménagers, en suivant les fils électriques, téléphoniques, ou l’antenne TV. Mais vous ne risquez rien si vous ne manipulez pas ces appareils durant un orage.

Phobie sociale

Juge-t-on plus négativement les gens qui rougissent ?

Non, dans la plupart des situations, les interlocuteurs ont une vision tolérante du rougissement (). Et encore faut-il qu’ils le remarquent…

Phobie du vide

Peut-on perdre la tête et se jeter dans le vide si on a un vertige trop fort ?

Jamais, bien évidemment. Mais la plupart des acrophobes se « voient » le faire : leurs craintes se transforment en images impressionnantes.

Phobie de la conduite

Peut-on avoir un malaise brutal, qu’on ne sente pas venir, et provoquer un accident ?

Il faudrait pour cela que vous souffriez d’une maladie particulière (épilepsie mal stabilisée par le traitement, narcolepsie…), et vous seriez, là encore, probablement au courant.

Beaucoup de phobies…

Peut-on mourir de peur ?

 

Non, malgré les nombreuses histoires qui courent à ce sujet. À moins que vous ne soyez atteint de maladie cardiaque, avec des coronaires en très mauvais état. Vous seriez au courant…

 

 

3) N’ayez plus peur de la peur

 

« Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener. »

Cette phrase est attribuée au maréchal Henri de Turenne (1611-1675). Réputé pour sa bravoure, Turenne ressentait de la peur lors de chaque bataille, mais ne se laissait pas intimider par elle. Ce programme convient parfaitement aux personnes phobiques. Il est normal d’avoir peur. Le problème n’est pas de commencer à ressentir de la peur, il est celui de notre réaction à la peur : paniquer face à celle-ci. Et la solution n’est donc pas d’éviter à tout prix que la peur ne survienne, mais d’apprendre à ne plus la craindre en s’entraînant régulièrement à la contrôler, ce qui permettra de progressivement la désamorcer, et de faire diminuer son intensité.

La démarche de la personne phobique ne doit donc pas seulement être basée sur la confrontation avec la peur, mais aussi sur l’acceptation d’une certaine dose de peur. Rappelons qu’il faut concevoir la lutte contre la phobie comme une forme de rééducation de son allergie à ce qui fait peur, comme le recalibrage d’un système d’alarme déréglé. La peur est normale, répétons-le : le but n’est donc pas de la supprimer mais d’en faire bon usage et de la régler à un niveau qui soit utile sans être éprouvant.

Ne plus avoir peur de la peur

« Quand je sens revenir en moi ces sensations, le cœur qui cogne ou s’affole, l’écho de ses battements dans mes oreilles, le souffle court… je commence à paniquer. Je n’ai même pas besoin d’être dans la situation, il me suffit d’y penser suffisamment fort ou précisément, pour commencer à ressentir la morsure de la peur, et à m’affoler… Je panique de ma propre peur, de ma peur naissante, comme un animal qui a peur de son ombre. »

Le phénomène de la peur de la peur décrit ce sentiment, très fréquent chez les personnes phobiques, de perte de contrôle en cas de survenue de la peur. De ce fait, elles essayent à tout prix de ne pas commencer à ressentir de la peur, car elles ne savent pas où finira une peur débutante. Ou plutôt, elles pensent le savoir : cela finira par la folie, un arrêt cardiaque, ou quelque chose de ce style… Nous allons voir que la seule solution, c’est de s’entraîner de nouveau à avoir peur, régulièrement, dans des circonstances contrôlées : c’est la thérapie par exposition.

Ne plus être triste d’avoir peur

« J’avais fait des progrès, et puis patatras, j’ai eu une nouvelle crise de panique. J’étais effondrée, je me disais que je ne m’en sortirais jamais, que mes efforts étaient condamnés à l’échec… »

Il existe encore trop de croyances erronées à propos du changement psychologique : on le perçoit encore comme fonctionnant par « déclic » : une fois que j’aurai compris pourquoi j’ai ce problème, ou que je l’aurai affronté, il sera réglé. Il s’agit évidemment d’une vision illusoire de la psychothérapie popularisée par certains films hollywoodiens : le héros ou l’héroïne comprend tout à coup d’où venaient ses problèmes, ses yeux s’embuent de larmes (il y a en général des violons derrière) et tous ses soucis s’évanouissent, pour toujours.

Les vraies thérapies – hélas – ne fonctionnent pas de la sorte : elles ressemblent davantage à des apprentissages, c’est-à-dire à ce qui se passe lorsque vous essayez d’arrêter de fumer ou d’apprendre à skier : on souffre, on essaye, ça marche puis ça ne marche pas, puis ça remarche… Un peu décourageant, mais si on persévère, on y arrive toujours : un beau jour, à l’occasion d’une confrontation imprévue, on réalise que les anciens réflexes ont complètement disparu…

Ce qui est vrai pour le début des efforts de changement - ce qui a marché hier ne marchera pas forcément aujourd’hui - l’est aussi pour les rechutes éventuelles. La peur a la mémoire longue, et peut se réveiller à des années de distance, même après un traitement réussi et une liberté de mouvements retrouvée. Il faudra alors resserrer les boulons, et non pas se dire, à propos de ce « retour de la peur »  : « c’est fichu, je ne m’en sortirai jamais ». Mais plutôt : « ce n’est pas un retour de la maladie, c’est juste un retour de la peur… »

 

4) Modifiez votre vision du monde

 

Nous avons déjà parlé de la capacité des personnes phobiques à déceler très tôt les signes de danger éventuel. Ceci souvent à tort, leurs réactions de peur s’apparentant alors à de fausses alarmes. Mais il faut comprendre que ces réactions s’inscrivent dans un contexte plus vaste encore, et dans une véritable vision du monde, qui repose sur trois grandes familles de craintes phobiques :

-         Le monde est dangereux, et j’ai peur de tout ce qui peut se passer (le danger règne à l’extérieur).

-         Je ne suis pas fiable, et j’ai peur de mes propres réactions (le danger peut aussi venir de l’intérieur).

-         Je ne suis pas capable de faire face, et je ne peux pas me faire confiance (je ne peux survivre que par la fuite ou l’évitement).

 

5) Confrontez-vous selon les règles

     Voir livre….

 

6) Respectez-vous et faites respecter vos peurs par les autres

 

« Vous n’êtes pas des phobiques, et surtout pas que des phobiques ! Même si souffrance tend à vous faire oublier tout le reste, comme dans les douleurs chroniques. Vous êtes simplement des personnes normales qui souffrent de phobie. Mais qui ont aussi tout un tas d’autres caractéristiques et d’autres capacités. » Ne vous occupez pas seulement de vos symptômes, mais aussi de votre personne !

 

7) Réfléchissez à votre peur, son histoire, sa fonction… mais ne vous perdez pas en route !

 

Il faut toujours réfléchir à l’histoire de ses peurs

En général, cela ne suffit pas à s’en débarrasser. Mais cela peut apprendre beaucoup sur les erreurs qui ont pu conduire à les aggraver, et comment ne pas les reconduire. Cela vous évitera aussi de les transmettre à vos enfants, par éducation ou par observation. Le combat contre ses peurs se gagne toujours au présent : ressasser son passé n’est jamais la solution pour se débarrasser de ses phobies. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut complètement l’ignorer. Réfléchir à l’histoire de sa phobie est donc toujours une étape utile. Parce que cela permet de comprendre comment elle s’est installée et comment nous l’avons ensuite – inconsciemment - nourrie et maintenue. Toutefois, il faut savoir que l’histoire que nous nous racontons de notre propre phobie est toujours une reconstruction, incertaine et approximative.

 

8) Prenez soin de vous : peurs, phobie et hygiène de vie

 

Enfin, pour un effet spécifique sur l’hypersensibilité anxieuse, cette « peur de la peur » dont nous avons parlé (). L’exercice physique reproduit en partie les sensations physiologiques liées à la peur, comme l’accélération du rythme cardiaque, l’hyperventilation, la transpiration, etc. Se familiariser avec ces sensations rend ensuite moins réactif à la survenue des mêmes phénomènes dans les situations angoissantes. Chez les personnes souffrant d’une phobie de leurs sensations physiologiques, comme c’est le cas dans le trouble panique, des exercices assez intensifs seront nécessaires : mais c’est aussi chez ces personnes qu’ils seront les plus difficiles à accomplir, par peur de se déclencher un malaise. Le psy doit parfois se transformer en prof de gym : je fais souvent faire de petites courses à pied à mes patients, du saut à la corde (excellent moyen d’accélérer son rythme cardiaque, comme le savent bien les boxeurs), ou je les envoie grimper quatre à quatre les cinq étages de l’immeuble qui abrite notre service. Ils croisent parfois dans l’escalier mes confrères, qui ne s’étonnent plus de rien de la part de notre petit groupe de comportementalistes…

La dose d’exercice souhaitable semble être l’équivalent de trois fois une demi-heure de marche par semaine, sur un rythme aussi rapide que possible. À vos baskets !

Si l’effet sur la régulation émotionnelle des célèbres acides gras oméga-3 () se confirme dans les études à venir, alors il sera légitime d’en attendre une efficacité sur les dérèglements émotionnels bel et bien présents dans les peurs excessives. Mais il est actuellement prématuré de l’affirmer. Rappelons que les oméga-3, que notre corps ne sait pas synthétiser, comme les vitamines, se retrouvent dans des aliments tels que les poissons gras (maquereaux, sardines, saumon, thon…), les noix, l’huile de colza, certains végétaux comme le pourpier ou les épinards, etc.

On sait par contre qu’il existe des aliments ou plutôt des « toxiques » à éviter. Certains sont nettement anxiogènes : c’est le cas du café, dont on a montré qu’il augmentait la sensibilité à la peur. Si vous avez consommé beaucoup de café, vous allez ressentir vos montées de peur comme plus violentes et plus difficiles à contrôler. À fortes doses, la caféine induit par ailleurs une dépendance, et maintient un état de tension. En pratique, les personnes les plus phobiques l’évitent car elles ne supportent pas la sensation de tension physique qui en découle. Mais beaucoup d’autres en surconsomment, ce qui aggrave, souvent à leur insu, leur état émotionnel…

Le stress aggrave les peurs

Tous les patients phobiques savent qu’il y a « des jours avec et des jours sans ». Des jours où, bizarrement, les peurs se font moins oppressantes. D’autres où elles redoublent d’intensité. Une des explications à ces fluctuations est souvent le niveau global de stress. Plus vous serez stressé par la vie de tous les jours, plus votre phobie s’exprimera et vous gênera.

Or, on sait que l’activation du système nerveux sympathique, qui est une des composantes du stress, facilite nettement les conditionnements anxieux : si l’on est déjà stressé pour d’autres raisons, une expérience désagréable laissera en nous des traces plus profondes et plus durables. Beaucoup de patients paniqueurs décrivent ainsi qu’avant leur première attaque de panique, dont ils se souviennent en général avec une très grande précision, car c’est pour eux un souvenir traumatique, ils ont traversé une période de stress existentiels importants, de ruptures réelles ou symboliques, de changements variés () . Donc, plus vous serez tendus, plus les occasions d’avoir peur se transformeront en expériences émotionnelles pénibles, et laisseront des traces durables et douloureuses. C’est une des raisons de l’efficacité – indirecte - de la gestion du stress chez les personnes phobiques.

 

9) Apprenez à vous relaxer et à méditer

 

Les phobies sont des maladies psychosomatiques au sens premier du mot : nombre de leurs symptômes s’expriment à travers le corps. Et ces manifestations somatiques nourrissent et aggravent à leur tour les phénomènes psychologiques. D’où l’intérêt d’interrompre ce cercle vicieux…

 

La méditation, notamment sous sa forme de « pleine conscience » (en anglais : mindfulness) consiste à entraîner peu à peu sa conscience à rester dans un état d’acceptation tranquille de ce qui nous entoure (par exemple les bruits autour de nous) et de ce que nous ressentons (par exemple, nos pensées, émotions et sensations).

La tâche est donc doublement difficile pour les personnes phobiques, qui sont habituellement en état de vigilance et de lutte vis-à-vis de l’environnement et de leurs pensées et sensations physiques. Pour elles, les bénéfices de la méditation pourraient se situer à trois niveaux.

Le premier serait celui d’un effet facilitant à la relaxation : beaucoup d’anxieux ont du mal à se relaxer car ils sont trop réceptifs au moindre dérangement, à la moindre sollicitation de leur attention. Ils n’arrivent à se détendre qu’au calme, sans bruit autour d’eux… Or, ces conditions sont rarement remplies au quotidien. Apprendre à se détendre malgré les bruits extérieurs (« ah ! ces moteurs de voitures ») ou les pensées parasites (« quand je pense à tout ce que j’ai à faire après ma séance de méditation… ») est donc précieux pour les phobiques.

Un second bénéfice peut être retiré de ce travail quant à l’attention à la fois vigilante et dispersée des personnes phobiques. Nous avons déjà décrit à quel point les peurs phobiques étaient souvent associées à des troubles de l’attention, plus ou moins importants selon les personnes. La plupart des phobiques ont en général du mal à fixer leur attention : en effet, cette dernière est en général consacrée à la surveillance inquiète plutôt qu’à l’observation détendue. Les phobiques ont du mal à abandonner leur réflexe de surveillance de l’environnement. Le paradoxe, c’est qu’en même temps, une fois que ce qui fait peur est dépisté, il leur devient au contraire très difficile de fixer leur attention sur ce qui leur fait peur, par un réflexe d’évitement. Ce qui serait pourtant le seul moyen de s’y habituer peu à peu. Les séances de méditation peuvent donc représenter une sorte d’entraînement à mieux maîtriser ses processus attentionnels, dans le but de faciliter les confrontations aux images, pensées ou sensations inquiétantes.

Enfin, un dernier bénéfice psychologique peut être attendu des méthodes de relaxation : développer les capacités d’acceptation des états émotionnels négatifs. C’est par exemple l’un des buts de la méditation bouddhiste (). D’où son utilisation par certains thérapeutes, notamment dans la prévention des rechutes dépressives (), mais aussi, depuis peu, dans la prise en charge psychothérapique des différents problèmes de peurs et d’anxiété (). Pour les personnes phobiques, les exercices consistent à laisser arriver, puis à accepter les sensations, pensées, émotions, images désagréables qui peuvent survenir, sans chercher sur le moment à les repousser ou à les discuter. Juste se dire : « Cela peut arriver. Ce n’est pas arrivé, cela peut ne jamais arriver, mais cela peut aussi arriver. Je dois apprendre peu à peu à supporter ces images ou ces idées. À agir si nécessaire pour en empêcher la survenue. Mais mon inquiétude ne servira à rien dans ce cas. Elle ne modifiera pas le cours des choses. Ce sont mes actes qui modifieront le cours des choses… » Nous utilisons souvent dans ces moments l’image du bouchon de liège qui flotte sur l’océan : les vagues de la peur le font monter, descendre, mais il continuera de flotter. Même si les vagues sont énormes. Il suffit de les laisser passer…

  

10) Maintenez vos efforts sur la durée

 

Peut-on vraiment guérir d’une phobie ? Peut-on un jour se retrouver définitivement débarrassé de ses peurs ? Ou doit-on accepter un petit fond de tendances phobiques ? C’est tout le problème de la définition de la guérison d’une phobie, dont nous allons parler dès le prochain chapitre.

Il semble qu’en réalité, on reste toujours, d’une certaine façon, un « ancien phobique ». L’expérience de la très grande peur s’étale en général sur plusieurs années de vie, et elle représente donc un morceau de soi que l’on ne peut effacer. D’autre part, les vulnérabilités émotionnelles qui ont été à son origine restent le plus souvent en place. Mais le plus important, ce n’est pas cela. Le plus important, c’est que si l’on a su surmonter sa phobie une fois, c’est comme faire du vélo, cela ne s’oublie pas. Mais cela s’oublie d’autant moins que l’on continuera à faire du vélo régulièrement…

« Autrefois, je m’écroulais sous les coups des attaques de panique. Maintenant, j’ai l’impression de m’être reconstruit comme un immeuble capable de résister aux tremblements de terre. Je sens la secousse arriver, passer, puis disparaître. Cela m’est arrivé plusieurs fois. Comme vous me l’aviez recommandé, je continue régulièrement de me tester face à la plupart des situations que je redoutais. Je vois que je tiens bon. Alors, je n’ai plus peur. J’ai décidé de ne plus avoir peur à l’avance. De ne plus vivre dans la hantise d’une rechute. Et de profiter de la vie… »